Logo Chemin de la Préhistoire Bannière
personnage préhistoire

La Dame de Brassempouy
souligne

mercredi 29 mars 2006 par Jean Carrère

Découverte de la célèbre « Dame à la capuche » à Brassempouy ( 1894 )

Le samedi 6 et le dimanche 7 mars 1976 le petit village de Brassempouy et ses 300 habitants sont envahis par une foule de plus de 2.000 personnes. Un timbre grand-format, illustrant la « Dame de Brassempouy, d’une valeur faciale de 2 francs, est, en effet, émis et un bureau temporaire le met en vente anticipée avec un cachet oblitérant « 1er jour ». Dès le lendemain, le nom de Brassempouy va être diffusé dans chacune des 36.000 communes de France.
Qui était, donc, cette Dame ?
Au mois d’avril 1880, des ouvriers carriers du comte de Poudenx, propriétaire du site du « Pouy », découvrent une excavation dans la paroi rocheuse. Tout au fond de cette cavité, parmi les débris calcaires, ils recueillent des ossements « énormes » identifiés par un « esprit éclairé » du village, comme appartenant à des espèces animales depuis longtemps disparues. Le saint-séverin, Joseph de Laporterie, passionné de préhistoire, vint avec un autre érudit landais, Dubalen, géologue et archéologue, effectuer quelques sondages et quelques fouilles qu’ils abandonnent, l’année suivante.
En 1890, De Laporterie reprend les fouilles avec l’aide de son compatriote, Albert Léon-Dufour. Ils découvrent des ivoires sculptés, des objets de parure et des bois de renne gravés.
Mais c’est 2 ans plus tard, au mois de septembre 1892, que le site va connaître son heure de gloire. Le « Congrès pour l’avancement des Sciences » se tient à Pau. Le président, le docteur Magitot, décide d’organiser une sortie-détente agrémentée d’une fouille collective sur le site de la « Grotte du Pape » à Brassempouy. Ce fut un « pillage organisé » et, seuls, 2 exemplaires en ivoire de mammouth, la « Poire » et « l’Ébauche » purent être récupérés et reposent dans les réserves du « Musée des Antiquités Nationales » à Saint-Germain-en-Laye.
Le célèbre préhistorien, Édouard Piette, avec De Laporterie, entreprends, dès le printemps 1894, des fouilles beaucoup plus scientifiques. Au mois de juin, ils mettent au jour la célèbre « Tête Féminine » dite, également, « Tête à la capuche » ou « Dame de Brassempouy ». 4 autres statuettes furent découvertes : le « Manche de Poignard », la « Figurine à la ceinture », la « Figurine à la pèlerine » et la « Fillette » ; tous ces objets sont sculptés dans l’ivoire de défenses de mammouth et sont datés du Périgordien Supérieur ou « Gravetien » ( - 25.000 ans ). Le 8 septembre de cette mémorable année 1894, Piette revient à Brassempouy et rencontre, à Saint-Cricq-Chalosse, le comte de Poudenx : visite intéressée car Piette y négocie l’achat des statuettes trouvées et les emporte. Il était temps car 2 mois ½ plus tard, le 25 novembre 1894, le comte de Poudenx, âgé à peine de 40 ans, décède en son château voisin. Témoignage anecdotique de la dispersion des vestiges trouvés, Cartailhac, le préhistorien toulousain, écrivait à Piette, le 25 novembre de cette même année : « La belle Hélène de Brassempouy ne vaut pas une guerre de Troie : Dubalen a les jambes, moi ( provisoirement ) le buste, vous, la tête. Dans ces conditions, l’union s’impose si nous voulons que la belle fasse, convenablement, son chemin dans le monde ». En réalité, les travaux récents de Randall White ont montré que la tête de la Dame de Brassempouy n’a, jamais, été rattaché à un corps.
Les fouilles, renouvelées, chaque année, jusqu’en 1897, permirent à Piette et De Laporterie de mettre à jour de très nombreux vestiges essentiels pour la datation des objets trouvés et leur environnement immédiat. 2 nouvelles statuettes ont été découvertes : le « Torse » et « l’Ébauche de poupée » et sont venues enrichir les collections de Saint-Germain-en-Laye après donation de Piette.
Dès lors le site de la « Grotte du Pape » est abandonné. L’émission du timbre de 1976 sensibilisa des personnalités landaises, Mr et Mme Goalard, de Lit-et-Mixe, qui, à leur tour, persuadèrent l’éminent préhistorien, Henri Delporte, de reprendre les fouilles sur le site de Brassempouy. Pendant une vingtaine d’années, une cinquantaine de fouilleurs vinrent durant les mois de juillet et août, effectuer grattages, tamisages, recherches scientifiques de pointe et essais d’interprétation pour mieux comprendre l’histoire du site. Le mois de juillet 1994 en sera l’apothéose pour le petit village. Un colloque international réunissant une cinquantaine d’orateurs sous la direction d’Yves Coppens, passionna pendant deux jours près de 5.000 personnes venues de France et de l’étranger.
Laissons le mot de la fin à notre compatriote historien, René Cuzacq, qui, en 1936, écrivait s’adressant à cette aïeule : « La joie au coeur, sa vision intérieure se déroulant dans son cerveau, c’est ainsi qu’un homme te fit sortir de l’ivoire, il y a des millénaires, pour la seule joie de réaliser son rêve et de créer la Beauté. Celui-là, il était des nôtres ; il était, déjà, un artiste ».

Jean Carrère

[NDLR]
Monsieur Jean Carrère est le président de l’association des Amis de Brassempouy.
Celle-ci a permis pendant des années de mettre en avant les découvertes archéologiques du site, à la fois en soutenant les fouilles archéologiques mais aussi en présentation dans un modeste petit musée, très sobre mais néanmoins fascinant et authentique.
Aujourd’hui, l’association a laissé place à une structure qui n’a plus le même cachet et beaucoup plus axée surprises le côté mercantile.



fond sol